Premier jour à Riview.



Assise à sa table, accompagnée de deux filles qui semblaient ne pas vouloir s'arrêter de parler, Charlie regardait le réfectoire bondé de monde. Il était assez comique de voir le comportement de tous les élèves présents dans la salle : Tandis que certains parlaient déjà comme s'ils se connaissaient déjà depuis 10 ans, d'autres semblaient plus effacés, voir méfiants, pendant que certains se vantaient déjà d'un passé incroyablement irréaliste. Des conversations se faisaient entendre de partout et il était bien difficile de ne pas y porter attention. Décidément, les lieux avaient changés depuis l'année dernière mais les gens, eux, ne changeaient pas ! Pour certains, et c'était flagrant, il s'agissait de leur première fois en internat. Pour Charlie, cette "première fois" remontait à bien longtemps, une éternité.. Pour tout vous dire, elle en avait vu trois avant celui-là, la routine quoi. Elle avait donc "l'habitude" et c'était sereine qu'elle envisageait cette nouvelle année à venir. Elle aurait d'ailleurs pu écrire un livre sur ce qu'elle voyait : ceux qui semblaient déjà "amis pour la vie" voulaient juste ne pas être seuls, les vantards, eux, voulaient se faire bien voir, et les solitaires avaient juste peur du rejet, ou bien de décevoir... Bientôt tout ce petit monde se connaitrait, en bien ou en mal, et les craintes du premier jour seraient vite effacées.

Charlie ne ressemblait à aucun d'entre eux : elle avait les yeux dans le vague, se portant quelques fois sur certaines conversations en passant rapidement à autre chose. Elle était ailleurs, simplement. Un comportement qui semblait choquer ses voisines qui venaient d'arrêter leur conversation - enfin! - pour lui demander si elle allait bien, question à laquelle elle répondit un simple "oui", accompagné d'un léger sourire, avant de mettre son casque sur ses oreilles. Elle savait avec l'expérience qu'il ne servait à rien de se précipiter et qu'elle aurait le temps de rencontrer des gens au fil des jours. Et puis la solitude n'était pas une chose qu'elle redoutait, même si évidemment le contraire était bien plus agréable.

Pour le moment, elle tentait juste de se concentrer sur son repas. Une autre chose qui ne changeait pas : la nourriture. Toujours aussi infâme ! Si seulement elle avait su qu'elle pouvait ramener son propre déjeuner... Toujours est-il qu'elle ne semblait pas vouloir se décider à entamer son assiette : du choux et un steak. Deux aliments qu'elle aimait en temps normal, mais qui là semblait ingérable. Toujours la même m*rde, quoi!

La jeune fille n'avait pas touchée au choux dans son assiette, sur ce point-là, on était d'accord, ils étaient vraiment dégueulasses. Après m'être présenté, elle me répondit : "Oh, je suis pas complètement différente d'elle, c'est juste que j'ai l'habitude de ce genre de premier jour" C'est bizarre, en général les filles superficielles n'avouent pas qu'elles le sont, enfin, peu importe... Juste après, elle esquissa un sourire puis enchaîna : "Salut Dan. Moi c'est Charlie" Elle s'appelait donc Charlie, c'était pas un nom extraordinaire mais il lui allait plutôt bien.

Je m'apprêtais à lui répondre mais elle continua : "Pion, je suppose ? Et hum... pour la première fois je parierais ? Alors ce premier jour ?" Je me sentis mal à l'aise, je regardais sur mon tee-shirt si je n'avais pas un badge, quelque chose qui aurait pu trahir mon rôle ici, mais non, rien. Après avoir repris mes esprits, je pus enfin en placer une : « Bah écoute, c'est un premier jour quoi, ça vient à peine de commencer, mais j'ai hâte de pouvoir souffler un peu. T'as su comment que j'étais pion, je ne t'ai pas vu à la soirée hier soir ? » J'étais un peu nerveux, je sais que ce n'étais qu'une élève, mais elle avait presque mon âge et puis, elle me paressait sympathique...

Il faut dire aussi que jusqu'à présent, je n'ai pas eu l'occasion de parler avec beaucoup de filles de mon âge, enfin, il y a bien Penny mais je ne l'apprécies pas vraiment, et à côté il y a Sixtine, mais elle n'a que 16 ans. Je ne parles pas des surveillantes, avec qui je n'ai jamais vraiment discuter. Mais après tout, c'était déjà pas mal, je ne m'attendais même pas à ça en acceptant ce poste de surveillant, donc au final, j'étais plutôt satisfait.

Par contre, il faudrait peut-être songer à changer d'endroit pour discuter, il faut dire que le réfectoire n'est pas le meilleur endroit pour discuter, je proposai donc, avant qu'elle n'ai le temps de répondre : « Si tu as fini, on pourrait aller parler ailleurs ? Enfin je veux dire, si tu n'as rien de mieux à faire, mais c'est un peu trop bruyant ici, je trouves. » J'avais proposer ça sans vraiment réfléchir où aller... Peu importe, on verra le moment venu, si elle accepte.

J'étais impatient de partir de cet endroit, tout ce bruit me donnait mal à la tête. En effet, je me disais bien que je ne l'avais pas vu à la fête: "Je n'étais pas là à la soirée hier soir, trop fatiguée pour m'amuser. Mais des pions, j'en ai vu plusieurs, on va dire que j'ai l'oeil pour ça. Puis c'est pas difficile hein! T'as l'air d'être l'un des plus vieux ici, et y a tes habits aussi..." Oui, je suis stupide, je n'ai pas vu beaucoup d'élèves qui me ressemblaient, j'aurais du y penser avant de poser cette question. Par rapport au premier jour, c'est vrai que ça ne s'était pas passé comme dans un rêve, ça aurait certainement pu se passer mieux que ça. Elle tenta quand même de me rassurer : "les premiers jours sont toujours les plus difficiles. Mais normalement, ça s'arrange avec le temps... Enfin bon, je pense que je suis pas la première à te le dire!" je lui répondais presque juste après : « En fait, si. Qui d'autre aurait pu me dire ça ? Les autres surveillants et le directeur m'ont plutôt dit de faire attention. Mais je n'aime pas être sur le dos des élèves. » Voilà qui résumait bien ma situation en tant que surveillant dans cet internat pourri.

Elle était visiblement d'accord avec ma proposition de se tirer d'ici, d'après ce qu'elle me dit ensuite : "Pourquoi pas ? Je viens de finir mon repas en plus. Puis un peu de calme, ça serait parfait. Je vais poser mon plateau et je reviens" Sur ces mots, elle se levait, son casque autour du cou. Elle était assez jolie, même si d'habitude, je n'aime pas trop les blondes. Apres avoir déposé son plateau, elle me posa une question à laquelle je n'avais pas du tout réfléchie : "Tu veux aller où ?" He beh, c'est vachement malin de proposer à quelqu'un d'aller ailleurs sans savoir où. Je lui répondis donc : « Et bien, où tu veux. Sauf au parc, je commence a en avoir assez de le voir, celui-là. » C'est vrai que ces temps-ci, je m'y rendais souvent, à ce parc.