Cela faisait deux jours que j'étais là. Deux jours et je me sentais plus mal que si je devais sauter en élastique du plus haut pont du monde. Mon frère ne me parlait toujours pas, je n'avais pas spécialement d'amis, le seul point positif : les cours qui me semblaient d'une facilité déconcertante. Même la théorie que je trouvais barbante d'habitude me semblait pleine de ressources et me faisait du bien. Ainsi, alors que je sortais de mon cours, je me sentais apaisée, bien dans ma tête, et bien sûr, j'avais les mains pleines des notes que j'avais prises. Question cours, j'étais balèze, mais c'était bien la seule chose que je réussissais à peu près à suivre.

C'était l'heure de manger, et bien sûr, je devais aller au réfectoire. Mais avant, je passais par mon casier pour déposer mes affaires. C'était lourd, j'emportais toujours le maximum à chaque cours par peur d'oublier quelque chose, et il fallait absolument que je dépose ça avant que je .. m'explose la face par terre. Et c'était ce qui venait de m'arriver, alors que quelqu'un m'avait fait un croche pattes (intentionné ou pas). Ma joue se collait contre le sol froid et je ne faisais pas un bruit, tellement habituée à me prendre dans mes propres jambes que cela ne m'étonnait même plus. Mes papiers étaient étalés au sol à la vue de tous, et même mes dessins.

C'était la chose la plus privée qu'il pouvait y avoir à mes yeux. Mes croquis, mes dessins plus achevés, mes aquarelles même. Je ne pouvais pas supporter que quelqu'un d'autre que les professeurs les voient et je me dépêchais alors de les récupérer au sol comme une dératée. Malheureusement, une personne se baissa pour en rattraper quelques uns et je relevais la tête pour découvrir un garçon, ma fois plutôt mignon. « Ne regarde pas ! »

Encore une journée ennuyeuse de cours, la troisième pour être exact. J'en ai déjà marre. Et dire que je vais devoir supporter ça pendant longtemps encore. Mais c'etait mon choix d'aller en internat et je ne regrette pas. Certes, c'est un peu la prison mais je n'ai pas à supporter les amants de ma mère. Et je me suis déjà fait quelques amis. L'ambiance est plutôt pas mal mais les cours sont aussi ennuyeux que dans n'importe quel lycée. Il faut dire que les cours m'ont toujours ennuyé. Ce fut donc avec soulagement que je sortis de la salle de cours. Il était l'heure du repas mais je n'étais pas pressé. La cantine pouvait attendre. Personne ne m'y attendais mais je savais que je trouverais quelqu'un avec qui manger. Alors que je passais dans un couloir, je regardais les gens se presser en souriant. Ce que les gens pouvaient être drôles. J'arrivais devant mon casier et je décidais de laisser des affaires à l'intérieur. Mon sac n'était pas spécialement lourd mais je n'avais rien d'autre à faire. Je tournais vers le mur opposé mais quelqu'un fonça dans mon pied et s'etala de tout son long. Et merde ! Les gens ne pouvaient pas faire un peu plus attention ?

La jeune femme qui était tombée sembla remarquer ses affaires étalées sur le sol et elle se dépêcha de les réunir. Je m'accroupis à côté d'elle et je décidais de l'aider. J'entrepris de ramasser quelques feuilles sur le sol quand elle leva la tête vers moi. Plutôt jolie, pensais-je. Mais elle ne me remercia pas, elle me cria dessus. Ne regarde pas ! Je jetais alors un coup d'oeil vers les feuilles dans mes mains et découvrit un paysage à l'aquarelle. C'était très joli. Était-ce elle qui avait fait ça ? Je relevais la tête vers elle et je m'aperçus de son mécontentement. Je lui tendis donc les papiers et je l'aidais à se relever. C'est de toi ? J'aime bien.

J'étais bête, j'étais idiote. Toute personne normale à laquelle on dit de ne pas faire quelque chose va le faire, voyons ! Et c'est ainsi qu'il baissa les yeux vers les feuilles, surement pour se demander pourquoi je disais cela; Il tombait sur un paysage que j'avais fait à l'aquarelle, il y a longtemps de cela en plus, lorsque je me tâtais encore à cet art. En fait, mon port folio était composé de dessins et aquarelles de mes débuts jusqu'à aujourd'hui, ce qui expliquait la présence de cette peinture par terre. Il me tendit les papiers néanmoins et m'aida à me relever, ce que je trouvais plutôt agréable. Après tout, il m'avait aidé à ramasser mes affaires, il me relevait .. C'était plutôt galant et gentil, je devais le remercier. Mais avant que j'aie pu ouvrir la bouche, il se mit à parler. « C'est de toi ? J'aime bien. » Si j'étais capable de rougir, je serais devenue de la même couleur qu'une tomate. Mais à la place, je gardais mon calme et passais une main dans mes cheveux en expirant dans un petit rire nerveux. « Oui c'est de moi mais .. Ce n'est pas du grand art juste, enfin .. J'étudie l'art, c'est pour ça .. » Je me perdais dans mes mots et fronçais les sourcils, oubliant presque ce que je m'étais dit de faire auparavant.

« En fait, merci. Pour m'avoir aidée à ranger mes feuilles et .. m'avoir aidée à me relever. Il n'y a pas beaucoup d'élèves ici qui feraient ça, je ne suis tombée que sur des mauvaises personnes pour l'instant. » Je lui adressais un petit sourire. A vrai dire, je n'avais personne avec qui manger à la cafétéria et j'aurais bien aimé en savoir un peu plus sur lui, et pourquoi pas, qu'une amitié se forme entre nous. Je pouvais bien rêver, non ? Il fallait absolument que j'aie des contacts positifs avec certaines personnes si je ne voulais pas finir en pauvre mal-aimée. « En fait, je suis Sixtine. Comme la chapelle, oui. Et toi ? »

Elle passa la main dans ses cheveux. Était-elle gênée que j'ai regardé son dessin ? Ça me semblait logique étant donné qu'elle m'avait dit de ne pas regarder. Oui c'est de moi mais .. Ce n'est pas du grand art juste, enfin .. J'étudie l'art, c'est pour ça .. Je souris malgré moi. La façon dont elle essayait de se justifier était plutôt comique. Je fus quand même impressionné d'apprendre que c'était elle qui avait fait ça. Elle était douée. Je voulus répondre mais elle continuait sur sa lancée. En fait, merci. Pour m'avoir aidée à ranger mes feuilles et .. m'avoir aidée à me relever. Il n'y a pas beaucoup d'élèves ici qui feraient ça, je ne suis tombée que sur des mauvaises personnes pour l'instant. Elle avait raison, peu de gens dans l'internat se seraient arrêtés. Mais j'en faisais partie et ça me semblait naturel. Après tout, elle était tombée par ma faute. Ce n'est rien, c'est normal. Peut-être que les gens d'ici sont toujours pressés d'aller en cours ? Ok, je n'y crois pas ! En fait, je suis Sixtine. Comme la chapelle, oui. Et toi ? Je souris. Je n'avais même pas fait le rapprochement avant qu'elle ne me le dise. Elle devait être habituée aux remarques à ce sujet. Moi c'est Kelian. Comme... euh bah rien du tout ! Je souris. Elle me semblait plutôt sympa et je ne serais pas contre devenir ami avec elle. Qu'est-ce que tu dirais de manger avec moi ?Si tu n'as peesonne avec qui manger. Non pas que... Je suis tout seul ce midi donc... Je n'arrivais vraiment pas à m'exprimer.

Elle se tourna vers son casier pour y mettre ses affaires et je m'adossais au casier voisin pour continuer de parler avec elle. Enchantée Kelian comme rien du tout ! Je souris. Je sentais déjà que nous pourrions bien nous entendre malgré nos différences. Après ma lamentable invitation, elle sourit et je me surpris à avoir peur d'une réponse négative. Oui en effet, cela me dirait .. Je n'ai personne avec qui manger non plus, je suis aussi seule que toi. Je lui souris, ravi de sa réponse. Nous nous sommes donc tous deux dirigés vers le réfectoire en continuant de parler. Alors, tu es content d'être à l'internat ou pas ? A sa question, je devinais que ce n'étais pas son cas. Ça va, c'est un endroit comme un autre et c'est toujours mieux que chez moi. Tu ne t'y plais pas toi ? Il n'y avait plus grand monde et nos pas résonnaient dans le couloir. Et tu étudies quoi ? [b]Le cinéma. Je rêve depuis longtemps de devenir réalisateur.[b] Je ne lui demandais pas ce qu'elle étudiait puisqu'elle me l'avait déjà dit avant.

Ce garçon me plaisait. Non seulement physiquement mais par son attitude, qui me rassurait et était engageante. Il avait ce petit brin de maladresse qui me faisait craquer et qui devait faire craquer toutes les filles. Je lui souriais comme une idiote. « Ça va, c'est un endroit comme un autre et c'est toujours mieux que chez moi. Tu ne t'y plais pas toi ? » Je réfléchissais quelques secondes. Qu'est-ce qui était mieux entre être au milieu d'assiettes qui se lançaient dans la salle à manger familiale et un endroit où j'avais déjà jeté un verre d'alcool sur quelqu'un et m'était fait plusieurs ennemies ? Bonne question. « Si je m'y plais c'est juste que .. certaines personnes ne m'aiment pas. Bon elles ont leurs raisons mais depuis on me fait la vie dure. C'est toujours mieux que chez moi, comme toi, en tout cas. » Je poussais un soupir et regrettais mon geste de la fête de bienvenue. Enfin, vraiment ? Je n'aimais pas Pearley et je lui avais montré, peut-être que c'était mieux de mettre les points sur les i dès le début. « Le cinéma. Je rêve depuis longtemps de devenir réalisateur. » « Ouah, c'est superbe ! J'ai envisagé un moment de faire des études de théâtre, je suis beaucoup plus à l'aise sur … scène que dans la vraie vie. Quand tu deviendras célèbre, j'aurai un rôle dans tes films, tu dois me le jurer ! » Je rigolais, de toute façon, je ne croyais pas une seconde qu'il accepterait.